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Qu'est ce que le shifting chez les ados ?



Depuis quelque temps, une pratique mystérieuse séduit de plus en plus d’adolescents, notamment sur TikTok, YouTube ou Reddit : le shifting, ou reality shifting. Elle consiste à "transférer sa conscience" dans une réalité alternative, souvent inspirée d’univers fictifs comme Harry Potter, Stranger Things ou Marvel. Ce phénomène, à la croisée de l’imagination, de la méditation et de la quête identitaire, intrigue autant qu’il interroge. Comment fonctionne-t-il ? Pourquoi attire-t-il tant les jeunes ? Est-ce une simple forme d’évasion ou une pratique à surveiller ? Éclairage sur ce phénomène générationnel.


Qu'est-ce que le Shifting ?

Le terme shifting est la contraction de reality shifting, que l’on peut traduire par "changement de réalité". Pour ceux qui le pratiquent, il ne s’agit pas simplement de rêver ou de s’imaginer ailleurs, mais de déplacer volontairement sa conscience dans une "réalité désirée" (desired reality, ou DR).

Ces réalités alternatives peuvent être totalement inventées ou largement inspirées de mondes fictifs connus. Le but : vivre une expérience sensorielle et émotionnelle perçue comme intense, cohérente, voire "réelle", dans un autre univers. Les pratiquants affirment souvent que le temps s’y écoule différemment, et qu’ils peuvent y rester plusieurs jours subjectifs en ne dormant que quelques minutes dans leur réalité actuelle.


Origines et Popularité

Le shifting a gagné en popularité grâce à des plateformes comme TikTok, YouTube et Reddit, où les adolescents partagent leurs expériences et méthodes pour "shifter". Les vidéos et les témoignages sur le shifting peuvent accumuler des millions de vues, créant une communauté en ligne dynamique et engagée. Les origines exactes du shifting sont floues, mais il semble être une évolution des pratiques de méditation, de visualisation et de voyage astral.


Des mondes idéalisés comme refuges

Les univers choisis par les adolescents pour shifter ne sont pas anodins. Ils reflètent souvent leurs goûts, leurs envies et parfois leurs insécurités. Poudlard, l’école de sorcellerie de la saga Harry Potter, reste l’un des mondes les plus populaires. Ces mondes fictifs offrent des cadres sécurisants, des repères simples, des valeurs claires, et un fort sentiment d’appartenance.

Le shifting devient alors une sorte de refuge mental, un lieu où l’on peut être soi-même (ou quelqu’un de mieux), évoluer sans contrainte, et construire des relations idéales. C’est aussi un espace d’exploration identitaire, particulièrement important à l’adolescence.


Des techniques précises et ritualisées

Le shifting repose sur des méthodes structurées, souvent inspirées de la méditation, de la relaxation ou de la loi de l’attraction. Les plus connues sont :

  • La méthode Raven : allongé en position détendue, la personne compte jusqu’à 100 en récitant des affirmations du type "Je vais dans ma DR", tout en visualisant l’environnement de sa réalité désirée.

  • La méthode Alice in Wonderland : une technique plus narrative, où l’on s’imagine suivre un personnage qui nous guide vers un autre monde.

  • Les scripts : certains rédigent un "script", sorte de fiche détaillée de leur DR, avec des éléments précis comme leur apparence, leur nom, les règles du monde ou les personnages rencontrés.

Ces rituels permettent d’induire un état de conscience modifié, propice à l’immersion mentale.


Pourquoi le shifting attire-t-il tant les adolescents ?

Le shifting s’inscrit dans un contexte plus large : celui d’une génération hyper-connectée, souvent exposée à l’anxiété, à la pression sociale, et à un besoin croissant de contrôle et d’expression personnelle.

Parmi les raisons les plus fréquentes de cette fascination :

  • Le besoin d’évasion face à un quotidien jugé stressant ou peu satisfaisant.

  • Le goût pour l’imaginaire, hérité d’une culture pop omniprésente.

  • La recherche d’identité, propre à l’adolescence, avec le désir d’explorer différentes versions de soi.

  • L’influence des réseaux sociaux, où les témoignages de "shifters" sont nombreux, souvent mis en scène de manière spectaculaire et motivante.


Une pratique sans danger ? Pas toujours.

Sur le plan psychologique, le shifting peut être perçu de deux façons :

 ✅ Comme une forme de méditation narrative, sans conséquence si elle est pratiquée avec recul et modération. Elle peut même renforcer la créativité, la concentration ou la connaissance de soi.

❌ Mais elle peut aussi présenter des risques, notamment si elle devient une échappatoire systématique, un substitut à la réalité ou une obsession. Chez certains adolescents fragilisés, cela peut entraîner :

  • Un isolement social.

  • Une confusion entre fiction et réalité.

  • Un rejet de la réalité (école, famille, vie quotidienne).

  • Des symptômes proches de l’addiction psychologique.

Comme pour les jeux vidéo ou les univers virtuels, tout dépend de l’équilibre et du contexte personnel.


Le shifting est un phénomène complexe, à la fois fascinant et révélateur des préoccupations adolescentes. Il ne s’agit pas simplement d’une tendance passagère, mais d’un outil d’exploration de soi et d’évasion mentale qui mérite d’être compris sans jugement. Plutôt que de diaboliser cette pratique, il est essentiel d’en parler avec les jeunes, de comprendre ce qu’ils y cherchent, et de les accompagner dans une réflexion sur la frontière entre rêve et réalité. Le shifting, en fin de compte, nous en dit autant sur leur imaginaire que sur notre société.


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